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elle y es 2 fois.http://ha rmony2011.cent erblog.net
Par harmony2011, le 26.08.2013
bonsoir mon amie lilas, on commence une nouvelle semaine et la fin du mois arrive, reprise des écoles et du bo
Par harmony2011, le 26.08.2013
je viens de relire!!!!!
t a vie at-elle changé depuis ?????
j'aurai s été heureuse de "partager mon café ave
Par latanierededilou, le 11.07.2013
je reviens le lire ce matin (puis-je le mettre sur mon blog avec ton lien??), car cela me ramène à ce petit ha
Par latanierededilou, le 11.07.2013
oh que oui ! j'ai eu tout le côté droit cassé dans un accident, je suis donc pas mal handicapée... on s'habitu
Par les-lectures-de-li, le 29.06.2013
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Date de création : 18.07.2012
Dernière mise à jour :
20.09.2013
412 articles
CHAPITRE 3 : NAUFRAGE
C'est une vague monstrueuse et violente qui est venue détruire le château de sable de votre enfance, chavirer votre pauvre petit monde, éteindre la lampe qui modelait sur les visages aimés la chaleureuse ambiance des repas du soir, renverser les tiroirs, violer vos souvenirs, souiller vos livres et vos cahiers, fracturer les portes des placards, briser les miroirs, les verres et la vaisselle, dévaster l'ordre établi dans le cœur de l'armoire à linge, éventrer les piles de vêtements, de draps et de torchons qui répandaient leurs effluves de lavande, de naphtaline ou d'eau de Cologne. Une vague chapeautée ou coiffée d'un képi, parfois bottée, une vague en civil ou en uniforme, une vague noire, beige ou verte, une vague d'hommes, plus ou moins bien rasés, plus ou moins fiers, plus ou moins arrogants, plus ou moins bien peignés, plus ou moins propres, plus ou moins penauds, guidée, pilotée, soulignée par la voix stridente de la concierge : une vague française, une vague de pas, de cris et de coups frappés dans les portes ; une vague qui grondait, qui montait, qui semblait engloutir, submerger l'éventail des marches des escaliers ; une vague venue siphonner le réservoir de votre insouciance, de votre innocence, de votre quiétude.
(...)
Vous ne saviez pas qu'il vous faudrait apprendre à ne plus exister pour survivre, à gommer dans la solitude et dans la clandestinité votre être, votre identité, votre personnalité, à un âge où il est normalement tellement nécessaire de faire le contraire, à cet âge où l'on devrait apprendre à se construire, à s'affirmer, à s'épanouir au sortir de l'enfance, à travers les sentiers périlleux de l'adolescence...
(...)
Au-delà des coups de poing martelés sur les portes, au-delà du roulement des pas dans les escaliers, du grondement des moteurs des autobus et des camions qui s'ébranlent, au-delà du mugissement lugubre des trains de nuit, vous vous êtes paré des vêtements du silence. Vos rires et vos cris d'enfant se sont tus, ils semblent avoir été aspirés dans le seul souffle de votre respiration, dans le glissement furtif de vos pas qui veillent à ne plus jamais faire craquer les planchers disjoints des appartements obscurs.
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A l'aube de ma vie, il y avait ma mère et mon père, les heures suprêmes sans peur, puis s'en sont venues toutes les autres heures de mon existence... (Sylvie)
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Il faut se situer dans cette ambiance pour bien comprendre ce que représentait ce geste de ma mère qui nous mettait pratiquement dehors ma sœur et moi. Lorsque l'on arrache un enfant à sa mère, il n'y a rien de plus horrible – décider soi-même de sa séparation, couper les amarres avant que la tempête ne soit encore plus violente... C'est cette perception du danger, inexpliquée, que l'on peut identifier comme étant de l'instinct à l'état pur, qui nous sauva la vie à ma sœur et à moi. (Maurice Rajsfus - « Opération Étoile jaune » - Le Cherche Midi Éditeur, 2002)
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Monsieur B. était un homme formidable qui travaillait au commissariat. Il était brigadier et venait renseigner des personnes qu'il connaissait qui étaient juives... Il est venu prévenir mon père. Il est souvent venu nous prévenir qu'il allait y avoir une rafle, qu'il fallait faire attention, qu'il fallait nous cacher. Et puis une fois, il est venu et il a dit : « Là, il n'y aura pas de quartier. Ils vont aller partout, ça va être terrible. ». (Simone)
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Ce 16 juillet 1942, il y a eu 7.000 assassins en uniforme. Tous français. Tous glorieux. Tous ignobles. Intermédiaires de la Gestapo, drapés dans le respect de la légalité et confortés dans leur haine de l'étranger, ces représentants qualifiés de la répression préparaient, à l'aube naissante d'un matin d'été, ce génocide dont ils portent à mes yeux la plus grande part de responsabilité pour la France. Bien plus que les nazis ! (Maurice Rajfus - « Opération Étoile jaune » - Le Cherche-Midi Éditeur, 2002)
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La grande rafle a été horrible. Ce dont je me souviens particulièrement, c'est le grand silence, le grand silence qui s'est abattu sur Belleville. Je n'avais pas l'habitude que ce soit tellement silencieux. Et tout d'un coup, des tambourinements aux portes, parce qu'on habitait un immeuble où il y avait beaucoup d'appartements ; des tambourinements aux portes, des cris, un brouhaha. C'était inquiétant. J'entendais beaucoup de bruits dans l'escalier. Et maman, me plaquant la main carrément sur la bouche, et regardant par la fenêtre. Il y avait une voisine en face, qui lui faisait signe de ne pas bouger. Elle mettait son doigt sur ses lèvres. Je ne voyais pas très bien la rue. J'éprouvais une impression de grondement. C'était à la fois silencieux et à la fois une fourmilière. Et puis il y eut des grands cris. J'ai vu quelqu'un tomber par la fenêtre. Je m'en souviens, des hurlements. Et toujours la main de maman devant ma bouche pour m'empêcher de faire du bruit. C'était horrible. Après ça a été très bizarre. La nuit, des bruits de voiture... Et puis à un moment donné, la voisine en face nous a fait signe. Maman a pris un parapluie et son sac. Elle a fermé la porte et nous sommes parties sans rien emporter. Rien d'autre que son sac et le parapluie. (Raymonde)
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A six heures, on cogne à la porte. C'est un inspecteur de police. Il nous ordonne de préparer une valise de vêtements et de le suivre. D'autres policiers entraînent des groupes de juifs, des familles entières portant des ballots de linge et même des matelas, des hommes et des femmes silencieux et pâles, les enfants, mal réveillés, pleurant. Les commerçants accourent sur le pas de leur porte, et les passants nous regardent, étonnés et effrayés. C'est malheureusement la police française qui a arrêté les juifs. On nous fait monter dans les autobus qui portent encore leurs plaques de destinations diverses. Nous roulons à travers les rues de ce quartier de Belleville d'habitude si joyeux et, partout, c'est le même spectacle de juifs emmenés comme des criminels entre les agents. Je regarde les rues ensoleillées qui me semblent l'asile de la liberté que je ne connais plus. Nous arrivons devant la grande porte du Vel'd'Hiv, rue Nelaton. Dans l'entrée des agents disposent des lits de camp. Deux femmes se jettent l'une sur l'autre en pleurant : « C'est là, sur ces petits lits que nous allons dormir ? ». J'interroge un agent : « Il n'y aura jamais assez de lits pour tout le monde ! ». Il rit : « Mais ces lits sont pour nous ; vous coucherez par terre, là-bas. ». Sur la piste où d'habitude courent les cyclistes, les gens sont assis sur leurs valises, effrayés, désorientés. Certains courent et appellent dans tous les sens, mais dans l'ensemble nous sommes là, silencieux, comme paralysés par l'angoisse, ne comprenant pas bien ce qui nous arrive. (Sarah - « Mémorial de la déportation des enfants juifs en France » - Serge Klarsfeld, librairie Arthène Fayard, 2001)
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C'était un jour d'été, il faisait très beau... Les voilages de la fenêtre s'agitaient un petit peu au vent. J'étais toute seule en train de manger des pâtes. On a frappé violemment à la porte. Il y a eu des cris dans l'immeuble. Un agent de police français est entré dans l'appartement. Ma mère avait une robe noire qui était serrée au cou, avec des manches longues. Et je revois son visage, en face de moi, tenant le dossier de la chaise à la main, moi en train de manger, l'officier français, ma sœur debout à côté de ma mère. Et l'officier de police voulait nous amener aussi. Ma mère n'a pas voulu, elle a dit : « La grande s'occupera de la petite. ». Mon enfance s'est arrêtée ce jour-là. Ce jour-là, je suis devenue adulte, j'avais six ans. J'ai en mémoire le visage d'une mère comme toutes les mères sans doute, aimante, affectueuse, particulièrement généreuse. (Colette)
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Maman demandait de l'aide à ses amis juifs qui lui disaient : « Écoute, tu as un accent, tu vas nous faire repérer, va-t'en. ». Enfin il n'y avait plus d'amis, ça n'était pas la solidarité, c'était la lutte pour la vie, chacun pour soi. (Liliane)
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Par les fentes des volets, nous voyions quelques familles réunies dans la cour avec des bagages, entourées de policiers français et la concierge montrant du doigt les fenêtres des appartements occupés par d'autres familles juives, très fière, très droite, certaine d'accomplir son travail de française ! (Suzanne)
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Nous sommes nombreux, serrés les uns contre les autres. Ma mère, à ce moment, n'a qu'une idée en tête : nous voir fuir... Elle ne cesse de dire aux autres femmes : « Non, on ne part pas pour travailler en Allemagne, on ne peut pas travailler avec de petits enfants. ». A ce moment, une voisine s'approche de ma mère et lui dit : « Léa, ma fille vient de s'enfuir par une issue de secours. ». Ma mère nous donne l'ordre d'en faire autant, de retourner chez nos grands-parents ; moi je ne veux pas, j'ai huit ans, je m'accroche à sa jupe. Alors, ma mère nous gifle pour nous obliger à réagir. A ce moment, je n'ai pas compris que c'était un acte d'amour et de déchirement pour elle... (Rachel)
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On a retrouvé un logement vide puisque les allemands l'avaient vidé. Mais en fait, n a appris après que ça n'était pas les allemands qui l'avaient vidé, c'était nos voisins, la concierge, tout le monde s'était partagé nos affaires. Et c'est arrivé comme ça dans la plupart des appartements juifs. (Jacques)
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A partir de 1942, ça va de plus en plus mal mais mon père s'arrange aussi avec plusieurs concierges pour pouvoir changer de domicile. Il s'agit d'appartements dont les habitants ont déjà été raflés et dans lesquels on peut rentrer avec l'aide d'un concierge et d'une bougie. On réchauffe le cachet en cire rose, on entre dans l'appartement, on ne fait pas de feu. Et une fois la porte refermée, le concierge remet un peu de bougie pour recoller la cire. Pendant ce temps-là, il peut y avoir toutes les rafles que l'on veut dans l'immeuble, mais l'appartement en question n'est pas touché. (Colas)
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La peur, la Peur avec un P « colossal », la Peur en grosses gouttes de pluie...
La tristesse et la peur sont entrées en nous pour ne plus nous quitter.
Je ne chante plus, je ne ris plus, personne ici ne veut comprendre ce qui s'est passé, ce qui peut nous arriver. Où sont mes amies ?
La nuit, les enfants crient, se réveillent effrayés par leurs rêves... (Sylvie)
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Le Vel'd'Hiv, ça a été terrible. C'était déjà noir de monde. C'était des cris, c'était affreux parce qu'il était déjà bondé. C'était au mois de juillet, il faisait une chaleur terrible. On a été mises dans le haut des gradins. Et là on a passé, je crois, cinq ou six jours. Ça a été le cauchemar... La chaleur, les cris. Les femmes qui appelaient les enfants ou les enfants qui appelaient leurs mères. Je ne me souviens pas de grand-chose sauf de la soif. La soif, cette lumière qui restait toujours allumée... C'était épouvantable. La puanteur... Les toilettes se sont trouvées vite bouchées. Et je vous dirai franchement que je crois qu'on faisait les besoins derrière nous, à côté de nous, je ne sais plus trop où. (Hélène)
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Je tiens à dire que pendant trois semaines à Drancy, je n'ai jamais vu un allemand : je n'ai vu que des français, des gendarmes. Le drapeau français flottait sur le camp. Ils habitaient dans les gratte-ciel. C'était un camp de concentration français. Tout comme les autres camps, Beaune-la-Rolande, Pithiviers, Rivesaltes... qui étaient des camps français. (Philippe)
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A aucun moment il n'y a eu des allemands à cette époque-là. On n'était gardé que par la police française. On était déjà, nous les enfants, recouverts de vermine. Après que les mères ont été déportées, il ne restait plus que les enfants. Ils ne savaient pas quoi faire de nous... A Drancy, rien n'avait été prévu pour les enfants puisque les enfants au départ ne devaient pas être ramassés. Ils ont fait ça, paraît-il, ça a été un « geste humanitaire ». Ils n'ont pas voulu séparer les femmes et les enfants. Quand on est arrivé, on nous a parqué dans une grande pièce qui n'était pas achevée, il n'y avait pas de cloisons, rien du tout. Il y avait de la paille étendue sur ces parquets en ciment. On n'était qu'entre enfants. (Hélène)
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Il n'y avait qu'un seul groupe de tinettes. Il fallait être dix en bas de l'escalier pour être autorisés à y aller. Alors il fallait se mettre en rang par deux, et si on n'était pas dix, il fallait attendre qu'il y en ait encore d'autres. Ma sœur avait une dysenterie épouvantable. Elle devait courir tout le temps. Nous avons été mises d'emblée avec les enfants qui venaient de Pithiviers, dans ce qu'on appelle le bloc des partants. Un bloc, c'était six escaliers, c'était 1-2-3 ; 4-5-6. Et c'était là qu'on mettait ceux qui allaient être déportés tout de suite. Donc ça n'était pas la peine de les installer : il n'y avait plus de châlits, il y avait de la paille par terre, il n'y avait pas de sanitaires du tout. Il y avait une tinette dans un couloir, dans l'escalier. Ça dégoulinait d'un escalier à l'autre. Il n'y avait qu'un point d'eau. C'était absolument affreux. Les gosses qui étaient là attendaient. On était sur le départ, on ne savait pas où on allait aller. On ne savait pas où étaient partis les parents. Les enfants n'arrivaient même plus à pleurer. Ils se couchaient ; ils ne se nourrissaient pas ; ils faisaient pipi sur eux. C'était le cauchemar. On était dans l'escalier 4 et nous avons donc vu le départ de l'escalier 1-2-3 qui a été vidé de matin de bonne heure. La veille, les enfants sont passés successivement dans la cour dans une espèce de coin limité par une espèce de paravent, qu'on voyait de haut. On y tondait pour le départ, pour la déportation. Tous les gens qui partaient étaient tondus. Et ma hantise à moi, c'était de savoir que deux jour après, ce serait mon tour, j'allais être tondue. C'était la première crainte. C'était encore un stade de plus vers l'humiliation. Nous attendions... On était résigné. A l'époque, il y avait trois départs par semaine et 1.000 personnes par départ. (Annette)
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La tonte commença ; les cheveux tombaient dans l'eau, se collaient à sa peau, se mélangeaient à ses larmes, ses cheveux l'aveuglaient. Elle criait, gesticulait, soufrait de se voir dégradée, souillée par leurs grosses pattes. L'outrage d'être ainsi livrée, une fois encore, à la brutalité des adultes finit par l'anéantir. Elle se laissa glisser dans le liquide jusqu'à immersion totale. On l'agrippa aux épaules, au cou, sa tête fut hissée hors de l'eau. Elle pensa aux vengeances passibles, mais aucune n'égalerait jamais l'humiliation infligée là. Où était la douceur de grand-mère ? La « douceur » du camp, où étaient ceux qu'elle aimait ? Un océan de regrets la submergea. L'enfant mélodieux était mort en elle. A partir de cet instant, elle quitta l'enfance et cessa d'y penser. (Marina – Madeleine Kahn, « L'écharde » - Édition des Écrivains, 2000)
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Des autobus arrivent. Nous en sortons des petits êtres dans un état inimaginable. Une nuée d'insectes les environnent ainsi qu'une odeur terrible. Ils ont mis des jours et des nuits pour venir de Pithiviers en wagons plombés ; 90 par wagon avec une femme qui, en général, a deux, trois, quatre gosses à elle dans le dos.
Ils ont de quinze à treize ans, leur état de saleté est indescriptible, les 3/4 sont remplis de plaies suppurantes : impétigo. Il y aurait tant à faire pour eux. Mais nous ne disposons de rien, malgré le dévouement incomparable de notre chef de camp, le commandant Kohn. Immédiatement nous organisons des douches. Pour 1.000 enfants, nous disposons de quatre serviettes ! Et encore avec difficulté. Par groupes nous emmenons ces enfants aux douches. Une fois nus, ils sont encore plus effrayants. Ils sont tous d'une maigreur terrible et vraiment presque tous ont des plaies : il va falloir essuyer les enfants sains avec une serviette et les autres presque toujours avec la même souillée. Notre cœur se serre.
Autre drame : ils ont presque tous la dysenterie. Leurs linge sont souillé d'une manière incroyable et leur petit baluchon ne vaut guère mieux. Les mamans les avaient quittés avec leurs petites affaires bien en ordre, mais il y a de cela quelques semaines et, depuis, ils sont livrés à eux-mêmes. Dans le wagon, ils ont d'ailleurs mélangé leurs affaires. Des femmes de bonne volonté se mettent à laver leurs effets, presque sans savon à l'eau froide ; à cette époque, il fait très chaud et cela sèche vite, mais ils sont 1.000 !
Très vite nous nous rendons compte que tout ce que nous essayons de faire est inutile. Dès que nous remettons à ces petits des effets un peu propres, une heure après ils sont sales. Les médecins les examinent à tour de bras. On leur administre du charbon, on les barbouille tous de mercurochrome. On voudrait les mettre tous à l'infirmerie ; c'est impossible : ils doivent repartir vers une destination inconnue.
Lâchement, nous leur avons dit qu'ils allaient retrouver leurs parents et pour cela ils supportaient tout.
Jamais nous n'oublierons les visages de ces enfants : sans cesse, ils défilent devant mes yeux. Ils sont gravés, profonds et, ceci est extraordinaire, dans ces petites figures, l'horreur des jours qu'ils traversent est stigmatisée en eux. Ils ont tout compris, comme des grands. Certains ont des petits frères ou des sœur et s'en occupent admirablement, ils ont compris leurs responsabilités.
Ils nous montrent ce qu'ils ont de plus précieux : la photo de leur père et de leur maman que celle-ci leur a donnée au moment de la séparation. A la hâte, les mères ont écrit une tendre dédicace. Nous avons toutes les larmes aux yeux ; nous imaginons cet instant tragique, l'immense douleur des mères. Ces enfants savent que, comme des adultes, ils seront impitoyablement fouillés par les gens de la police aux Questions juives. Entre eux, ils se demandent s'ils auront la chance de conserver un petit bracelet, une petite médaille, souvenir des temps heureux?. Ils savent que ces bijoux n'ont pas grande valeur pais ils connaissent la cupidité de leurs bourreaux. Une petite fille de cinq ans me dit : « N'est-ce pas, madame, ils ne me la prendront pas ma médaille, c'est pas de l'or. ».
Dans leurs petits vêtements, les mères ont cousu un ou deux billets de mille francs et ce petit garçon de six ans nous demande : « fais le gendarme pour voir si tu découvres mon argent. ». Quelques fois, la vie reprend le dessus : comme des enfants, ils jouent ; ils ont des jeux à eux : ils jouent à « la fouille », à « la déportation ».
Il y a des contagieux. On en met à l'infirmerie en vitesse. Avec les moyens du bord, on fabrique de petits lits ; mais ils sont des quantités à partir avec la scarlatine, la diphtérie... Nous essayons de faire la liste de leurs noms. Nous sommes surpris par une chose tragique : les petits ne savent pas leurs noms. Un petit garçon, auquel nous essayons par tous les moyens de le lui faire dire, répète inlassablement : « Mais je suis le petit frère de Pierre. ». Les prénoms, noms et adresses que les mamans avaient écrits sur leurs vêtements avaient complètement disparu à la pluie et d'autres, par jeu ou par inadvertance, ont échangé leurs vêtements.
En face de leur numéro figuraient sur les listes des points d'interrogation.
La question nourriture est aussi un désastre : que donner à ces petits déjà malades, cette soupe d'eau et de carottes, pas assez de récipients, ni de cuillères. Nous étions obligées de faire manger les plus petits.
Je me souviens d'une petite fille de deux ans environ, adorable, et qui, miraculeusement était restée propre. Une de mes amies l'avait prise dans ses bras pour la faire manger. Immédiatement elle s'était assoupie ; chaque fois qu'on voulait la déposer sur une paillasse, elle se réveillait et hurlait. Elle avait rencontré une tendresse qu'elle ne connaissait plus et ne voulait plus qu'on l'abandonne. Mon amie, les larmes aux yeux, n'osait plus la quitter et s'occuper des autres qui, -tous, avaient besoin de nous. IL fallait les coucher trous ou quatre sur des paillasses infectes et qui le devenaient d'heure en heure de plus en plus, çà cause de cette dysenterie, qui torturait tous ces corps.
Beaucoup n'avaient plus de chaussures. Nos cordonniers à certains ont pu fabriquer des spartiates avec des morceaux de bois et des ficelles/ D'autres sont partis nu-pieds.
Avant le départ pour le grand voyage, on passait à la tonte les hommes et les enfants des deux sexes. Cette mesure est vexatoire et agit beaucoup sur le moral des individus, particulièrement chez les enfants. Un petit garçon pleurait à chaudes larmes. Il avait environ cinq ans. Il était ravissant, des cheveux blonds bouclés, qui n'avaient jamais connu les ciseaux. Il répétait qu'il ne voulait pas qu'on lui coupe les cheveux ; sa maman en était si fière et, puisqu'on lui promettait qu'il allait la retrouver, il fallait qu'elle retrouve son petit garçon intact.
Après le départ de ces 3.000 ou 4.000 enfants sans parents, il en restait 80 vraiment trop malades pour partir avec les autres ;; mais on ne pouvait les garder plus longtemps. Nous leur préparons quelques vêtements. Ils ont de deux à douze ans. Comme les adultes, ils sont mis dans ces escaliers de départ inoubliables. On laissait parquées les 1.000 personnes choisies pour le prochain départ pendant deux ou trois jours, isolées du reste du camp. Hommes, femmes, enfants, sur de la paille, souillée rapidement... Tous gisaient sur la paille mouillée, mourants qu'on transporte sur des civières, aveugles, etc.
Une amie et moi devions, à partir de trois heures du matin, nous occuper de ces 80 enfants, les préparer au départ, les habiller... En rentrant dans ces chambrées, il y avait de quoi se trouver mal. Je trouvais mes enfants endormis, les petits déjà infectés avec leur dysenterie. Sans lumière, je commençais à les préparer ; je ne savais pas par quel bout commencer. Vers cinq heures du matin, il fallait descendre dans la cour, pour qu'ils soient prêts à monter dans les autobus de la STCRP qui menaient les déportés à la gare du Bourget.
Impossible de les faire descendre : ils se mirent à hurler ; une vraie révolte ; ils ne voulaient pas bouger. L'instinct de conservation. On ne les mènerait pas à l'abattoir aussi facilement. Cette scène était épouvantable ; je savais qu'il n'y avait rien à faire ; coûte que coûte, on les ferait partir.
En bas, on s'énervait. Les enfants ne descendaient pas. J'essayais de les prendre un par un pour les faire descendre ; ils étaient déchaînés, ils se débattaient, hurlaient. Les plus petits étaient incapables de porter leurs petits paquet. Les gendarmes sont montés et ont bien su les faire descendre. Ce spectacle en ébranla tout de même quelques-uns.
Au moment du départ, on pointait chaque déporté. Sur les 80 gosses, environ 20 ne savaient pas leurs noms. Tout doucement, nous avons essayé de leur faire dire leur noms ; sans résultat. A ce moment surgit devant moi le maître de toutes ces destinées, le sous-officier allemand Heinrichohn, vingt-deux ans, très élégant en culotte de cheval. Il venait à chaque départ assister à ce spectacle qui, visiblement, lui procurait une immense joie.
Je ne puis oublier la voix de ce petit garçon de quatre ans, qui répétait sans arrêt sur le même ton, avec une voix grave, une voix de basse incroyable dans ce petit corps : « Maman, je vais avoir peu, maman, je vais avoir peur. ». (Odette - « Mémorial de la déportation des enfants juifs en France » - Serge Klarsfeld – Librairie Arhème Fayard, 2001)
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On écrivait des cartes à mon père. Ma sœur avait un langage codé pour lui dire... « L'orage monte, le temps est très mauvais en ce moment », quand il y avait des rafles, des choses comme ça. Elle a fait ça toute seule. Je ne sais pas comment elle a pu trouver toute seule tout ce langage. Mon père le lisait pas très bien le français mais il comprenait très bien. (Flore)
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Trois jours après l'arrestation de son père et de sa mère, Nathan Zakon écrit au Préfet régional de la Marne pour implorer sa clémence à l'égard de sa sœur et de ses parents...
Monsieur le Préfet Régional,
J'ai bien l'honneur très respectueusement de solliciter de votre bienveillance votre intervention auprès des autorités allemandes pour faire revenir mon père et ma mère qui ont été arrêtés le 9 octobre 1942 sans autre motif que d'être de religion juive.
Le 19 juillet 1942, une sœur âgée de 18 ans, avait déjà été enlevée, et à ce jour aucune nouvelle d'elle n'est parvenue, ce fait nous a déjà été signalé. Arrestation à Saint-Dizier, départ ensuite pour Châlons-sur-Marne et enfin transfert à Drancy d'où nous n'avons plus rien reçu d'elle depuis son départ de cette ville.
Ma mère, Mme Zakon est âgée de 52 ans et de plus gravement malade ayant besoin de l'aide constante d'une tierce personne.
Mon père, Zakon Israël âgé de 49 ans est lui aussi malade, il était en instance de soins et aux ordres de M. le docteur Desprès, de Saint-Dizier qui avait prévu un mois d'arrêt de travail.
Malgré une telle situation, ils furent emmenés l'un et l'autre par la police française et très certainement sur l'ordre de l'autorité allemande...
Monsieur le Préfet régional, je place tous mes espoirs en vos sentiments humanitaires. Je fais appel à votre esprit de justice et d'équité. Je m'adresse en un mot au père de famille que vous êtes pour que par votre intervention bienveillante et humaine, mon père, ma mère et ma sœur me soient retournés au foyer détruit et pour calmer mes inquiétudes à leur sujet.
J'attends votre décision à leur égard avec ferme confiance et en attendant votre honorable réponse et la suite qui sera réservée à vos démarches »s, je vous prie de croire, Monsieur le Préfet régional, à mes sentiments de reconnaissance anticipée et à mes respects.
Votre tout dévoué,
Zakon Nathan, âgé de 17 ans, seul et sans soutien, 52, place de la République à Saint-Dizier – Haute Marne.
La lettre de Nathan a entraîné son arrestation... Il a été déporté avec ses parents quinze jours après que le Préfet a reçu sa lettre.
(« Mémorial de la déportation des enfants juifs en France » - Serge Klarsfeld, Librairie Arthème Fayard, 2001)
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Un peu avant la mi-août, c'est-à-dire déjà un mois après le Vel d'Hiv, ils ont appelé les femmes et les enfants au-dessus de cinq ans. Ça a été leur tour d'être dans la cour en plein mois d'août, toute la journée, et le soir... expédiés. Et il restait dans la paille... les bébés ! Nous n'étions que deux pour prendre soin d'eux : Mlle de la Chapelle et moi. Le tout dans une dizaine de baraquements. C'était absolument fou. Deux jours avant, il y en avait trop, on n'avait plus rien pour les changer. C'était affreux. Je suis encore réveillée la nuit par les cris, les hurlements qui ne m'ont pas quittée.
Le jour où ils se sont décidés à emmener les bébés, les moins de cinq ans, et les nourrissons, alors on nous a priées de repartir. On a pris le train à la gare de Beaune-la-Rolande. Des parisiens qui avaient été chez des amis ou chez des cousins de la campagne rentraient en chantant, heureux, béats... Ils rapportaient un poulet, des pommes de terre. Et nous, on sortait de l'enfer ! ... C'était affreux ! Descendre gare de Lyon et voir les filles françaises aux terrasses des cafés, assises sur les genoux des officiers allemands... On avait l'impression de sortir d'un autre monde. (Micheline)
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Près de Paris, il y a une énorme gare de triage... Là, on a vu des wagons avec des enfants qui partaient : des wagons à bestiaux, avec les mains des enfants. Les enfants chantaient dans les wagons. Ma mère, c'est simple, elle s'est évanouie. Il faisait une chaleur terrible, ces enfants dans les wagons qui voulaient de l'eau... C'était... Il y avait un vieux monsieur près de nous, et j'avais l'impression qu'il sentait quelque chose : il m'a pris la main. Et puis le train est parti, je ne sais plus si ce sont les enfants qui sont partis d'abord ou nous... (Irène)
(A suivre...)