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elle y es 2 fois.http://ha rmony2011.cent erblog.net
Par harmony2011, le 26.08.2013
bonsoir mon amie lilas, on commence une nouvelle semaine et la fin du mois arrive, reprise des écoles et du bo
Par harmony2011, le 26.08.2013
je viens de relire!!!!!
t a vie at-elle changé depuis ?????
j'aurai s été heureuse de "partager mon café ave
Par latanierededilou, le 11.07.2013
je reviens le lire ce matin (puis-je le mettre sur mon blog avec ton lien??), car cela me ramène à ce petit ha
Par latanierededilou, le 11.07.2013
oh que oui ! j'ai eu tout le côté droit cassé dans un accident, je suis donc pas mal handicapée... on s'habitu
Par les-lectures-de-li, le 29.06.2013
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Date de création : 18.07.2012
Dernière mise à jour :
20.09.2013
412 articles
CHAPITRE 4 : NUIT
Certains enfants jouent dans les cours ; les ruelles pétillent de leurs éclats de rire... Mais vous êtes ailleurs... Vous êtes un enfant du silence. Vous naviguez de nuit, en passager clandestin, blotti tantôt à fond de cale, tantôt sur le pont de ce bâtiment qui vous a recueilli et qui semble errer çà l'aveuglette : bateau fantôme, sans pavillon, sans port d'attache, veillant à dissimuler toujours son point d'(origine et son point de destination... Lorsque la mer est grosse, vous vous verrez au plus profond du ventre du navire, caché dans une malle ou dans un placard, prisonnier d'une nuit stérile, sourde, close et sans étoile... Bercé par la nausée des odeurs de moisi, de renfermé, de relents de machines, de sueur et de tripes.
(...)Les parfums des saisons de la vie qui continue à faire chanter les sources, malgré la noria des autobus dans les villes, malgré la course des trains qui n'en finissent pas de transpercer le brouillard et la nuit pour charrier vers l'est leur cargaison d'hommes, de femmes et d'enfants, de ces trains dont on pourrait croire qu'ils font entendre, à travers le halètement des chaudières et la plainte des sifflets de leurs locomotives, les mugissements de l'enfer.
Quand ils ne sont pas vêtus d'un uniforme, les démons, les naufrageurs et les pirates qui hantent vos mauvais rêves ont une allure très ordinaire. Ils peuvent avoir le visage de l'homme au chapeau qui passe dans la rue ; celui du paysan courbé sur le manche de sa bêche ; celui de l'épicière qui remonte son rideau de fer ; celui de la dame du troisième étage qui cache ses bigoudis sous un foulard ou encore la figure de l'adolescent qui descend la poubelle dans l'escalier. Parmi eux il en est un qui se contente d'épier, sans aller jusqu'à dénoncer, mais chacun de leurs regards est comme un fer porté au rouge qui viendrait marquer votre épaule d'une fleur de lys vengeresse... D'autres écrivent des lettres anonymes et venimeuses qu'ils envoient à la police ou à la Kommandantur... D'autres pillent les appartements déserts après l'arrestation de leurs locataires. Certains rançonnent leur prochain, vendant au prix de l'or ou des bijoux de famille la nourriture, les faux papiers, l'anonymat, monnayant au prix fort la fonction du passeur véreux ou celle de la nourrice indigne et tortionnaire...
D'autres enfin s'en viennent vendre leurs voisins pour quelques francs sachant très bien que d'une façon ou d'une autre, votre tête est mise à prix...
Mais vous découvrirez parfois qu'à côté de ces démons, de ces requins furtifs, de ces écumeurs des océans de la misère et de la détresse humaine, à côté de la foule anonyme et dense des lâches, des passifs et des indifférents, il est aussi des anges anonymes, sauveurs et courageux ; des justes, des femmes et des hommes de bonne volonté, qui n'ont perdu ni l'âme ni la sensibilité de leur enfance... Ils ne sont pas si nombreux... Ils ne sont pas si rares... Ils ne sont animés ni par l'esprit de calcul, ni par le fiel de la haine, ni par l'appât du gain... Ils ne sont pas intimidés par la violence d'une tempête qui pourtant les terrorise... Il y a quelque chose, comme la lueur d'un phare, comme un éclat d'humanité qui brille dans leur regard. Il y a là comme un soupçon de poudre d'étoile, de cette même étoile qui semble, après avoir crucifié votre enfance, vous protéger à présent, de toute la persévérance de sa si lointaine lumière...
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J'étais seule au monde... J'ai passé la semaine complète en dormant dans les escaliers de service des immeubles, en m'installant dans les toilettes quand j'entendais un bruit. Je ne pouvais même pas m'y asseoir... J'avais un tout petit peu d'argent, mais je n'avais pas de carte d'alimentation, et la seule chose que l'on pouvait acheter sans ticket de rationnement, c'était du raison. Alors je me suis gavée de raisons... De violentes coliques m'ont contrainte à l'abstinence... Je ne savais pas où aller ; je ne mangeais plus rien ; je me suis mise à errer, et je suis allée voir ceux qui me paraissaient être des relations ou des amis de mes parents. Leur réponse était toujours la même, qu'ils soient juifs ou qu'ils ne le soient pas. Ils devaient avoir peur. Probablement la peur plus que l'indifférence. Dans le meilleur des cas, ils m'invitaient à venir prendre le thé « un jour ou l'autre »,« pour parler des miens » : jamais aucun d'eux ne m'a posé la seule question vitale pour mon avenir : « Quand as-tu mangé pour la dernière fois ? As-tu faim ? Où dors-tu ce soir ? ». (Irène)
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On avait une chambre de bonne au cinquième étage. Et j'ai été cachée pendant un mois avec ma grand-mère, dans cette pièce. On a su après la guerre que personne n'a jamais su qu'on y était cachées. Ni l'une ni l'autre ne prononcions un mot. On ne bougeait pas, on ne parlait pas. (Elise)
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Je me rappelle les conseils de ma mère pendant la guerre : « Il faut te cacher ». J'avais à peine six ans, j'éprouvais un sentiment de honte et de culpabilité, et je me « cachais » derrière les arbres de la cour de récréation de mon école publique. (Caroline)
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Pouvez-vous imaginer qu'à neuf ans, quelqu'un vous regarde dans les yeux et vous dise : à partir de maintenant tu t'appelles comme ça, tu es seul au monde, tu n'as pas de frère, ni de sœurs et tes parents sont morts dans les bombardements. Quoi qu'on te dise, quoi qu'on te fasse, tu diras toujours la même chose, sinon, on te tuera ! Le choc psychologique que j'ai subi ce fut tel que me suis mise à faire pipi au lit et cela dura quatre ans ! (Solange)
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L'enfermement, c'est la pire des sensations. L'impression de disparaître dans une fosse profonde, une oubliette. Les autres continuent à vivre comme si de rien n'était. (Maurice Rajfus - « Opération Étoile jaune » - Le Cherche Midi éditeur, 2002)
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Aujourd'hui seulement, je comprends ce que veut dire l'horrible une sentence d'emprisonnement pour dix, vingt, et même trente ans. On dira peut-être que j'exagère, et que mener une vie où l'on ne fait rien d'autre que de manger et dormir est très agréable. Bien, c'est le bon côté, mais considérez le mauvais côté, être caché devant toutes les personnes étrangères, ne pas pouvoir sortir dehors, même pas un instant ; être obligé de parler doucement. Et le risque, si l'on vous attrape, d'être éliminé... (Otto)
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Quand on était à Nice et que les choses commençaient à aller très mal parce qu'on était quand-même cachés depuis six mois dans cette chambre mansardée, mon père, pour prendre l'air, montait sur une table sur laquelle il mettait une chaise de façon à ce que sa tête dépasse de la fenêtre, et il appelait ça « sortir ». « Je sors un moment ! » Et il prenait l'air, le malheureux... (Jean)
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A Lyon, on m'a inscrite à l'école. C'était une classe unique avec des enfants de tous les âges. Avant que je rentre à l'école, on m'a fait une « leçon d'identité » et on m'a dit : « Tu ne t'appelles plus Goldberg, tu t'appelles Page, Lily Page. ». J'ai essayé d'intégrer ça./ Je me suis retrouvée dans une salle de classe. J'étais déjà une petite fille objetisée, chosifiée. Je n'étais pas une enfant comme on en voit actuellement, délurée, réfléchie, ayant le sens de l'environnement. On me disait espiègle et mignonne. Mais dans mes souvenirs, quelque chose en moi était un peu passif comme si je subissais déjà les choses. Et donc je me suis retrouvée en classe, et l'instituteur a fait l'appel, il a donné plusieurs noms. A chaque fois, il y avait un aller retour, un nom et puis une réponse « présent ! » ou « présente ! » Et à un moment donné, j'entends un nom avec insistance, personne ne répond, encore une fois, personne. Et subitement, illumination, c'était moi. On m'appelait « Page ». Et d'un seul coup j'ai levé le doigt comme si on me réveillait et j'ai dit : « C'est moi ! » avec l'impression d'avoir échappé à quelque chose d'horrible. (Liliane)
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On me posait des tas de questions, sur plein de choses, ma famille, mon école, ce que j'avais appris, ceci, cela, je ne devais rien dire. Et j'inventais, j'inventais. Et après, on me reposait des questions. Je me disais : « Est-ce que je vais me rappeler ? Qu'est-ce que j'ai dit ? Le mensonge de l'autre jour, est-ce que je vais m'en rappeler ? » Tout tourbillonnait dans mon cerveau, c'était effrayant. J'étais épuisée de mensonges, de choses que je devais inventer. Je croyais devenir folle, parce que je n'étais plus du tout dans le coup. Elles savaient que j'étais orpheline, elles s'étaient mises dans ces rangs d'orphelines, mais moi je n'étais plus rien, j'étais réduite à néant... (Franca)
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Je peux dire que je n'ai jamais eu faim. On se nourrissait uniquement pratiquement de châtaignes et de pommes de terre. Le samedi, c'est moi qui nettoyais les tables. Et quand j'avais fini ce travail, Mme Moreilleras qui était accroupie devant sa cheminée faisait des galetais, une spécialité du vieux limousin, à base de farine de blé noir, de sarrasin. Elle y mêlait un petit peu de farine d'orge ; elle avait un coup de main extraordinaire pour le faire. Quand j'arrivais, elle empoignait un de ses galetais, tout chaud, tout frais, et me flanquait une grande louchée de crème dessus et me disait : « Tiens, mon Georges ! ».
Pour tout le monde là-bas, j'étais Georges Carvanais, c'est ce qui était écrit sur ma fausse carte d'identité. Et encore maintenant, les gens du village, les anciens, ne m'appellent pas autrement. (Walter)
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Elle s'appelait maman Blanche. Lui on l'appelait le père Clément. C'était des gens rudes parce que leur vie était rude. Mais si j'étais malheureux, c'était psychologiquement parce que je n'étais au fond d'une campagne où je me sentais même intellectuellement assez isolé. Je n'avais pas assez d'échanges. Je menais une vie plus simple dont je ne peux pas dire que j'ai gardé la nostalgie mais pour laquelle j'ai un certain faible. En tous cas ça n'a pas été une période traumatisante. On parle d'enfants cachés mais je ne garde pas de mauvais souvenirs de cette période... sauf la séparation avec les parents et le fait que j'avais l'impression que mon copain Milda me manquait. A vrai dire je ne savais plus qui me manquait le plus. Si c'était mon jeune copain d'école resté à Paris, ou l'affection de mes parents. Parce qu'il n'y avait aucune affection. On ne pouvait pas poser sa tête sur la poitrine ou l'épaule de maman Blanche. On était là pour se nourrir, pour travailler. On subvenait aux choses. (Icchak)
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Je ne me rappelle pas votre nom, Mère supérieure, et la nuit, je m'efforce d'oublier votre visage. Mais votre voix me poursuivra jusqu'à la fin de mes jours, jusqu'à mon dernier souffle. Vous faites peur et vous êtes la méchanceté même. Quand vous faites votre inspection du soir, vous entrez dans l'obscurité du dortoir comme un spectre en blanc pour vous assurer que tous les enfants ont bien fait leur prière à genoux, avant de se coucher. Moi je me cache sous ma couverture. Vous ne vous arrêtez jamais devant mon lit. Comment puis-je savoir que je suis différent ? Que je suis juif ? (Maurice Roth « L'enfant cow » - Éditions Le Capucin, 2001)
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J'avais six ou sept ans. On avait des dames qui venaient nous faire le patronage. Et ces dames-là m'ont dit un jour : « Tu sais, c'est ton père qui a tué Jésus... ». Donc, dans ma tête, je voyais mon père clouer les mains de Jésus... Et elles me disaient : « Toi, tu ne peux pas prendre l'hostie, tu ne peux pas communier le dimanche. ». Je voyais les autres faire leur prière tous les soirs. Je faisais toujours la mienne. Je me disais : « Eux iront en enfer mais pas moi. ». Et quand j'en suis sortie, quand je suis rentrée à la maison, je me disais toujours : « Eux iront tous en enfer et pas moi. ». Et j'avais presque pris mon père en grippe en me disant : « C'est lui qui a tué Jésus ». (Ginette)
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On a atterri chez des paysans en Normandie, dans la manche. Ces gens étaient des monstres. Ils nous ont torturés, ils nous ont battus... On les payait pour cacher des enfants, donc ils nous ont pris. Nous étions les souffre-douleur. Mon petit frère avait tellement peur, il avait trois ans, qu'un jour il avait fait pipi dans sa culotte et ils lui ont collé une botte d'orties dans sa culotte. La femme était très méchante. Avec elle, c'était toujours des coups. Quand je lui disais : « Mais pourquoi tu me bats ? Qu'est-ce que j'ai fait ? » Elle me disait : « Si moi je le sais pas, toi tu le sais. ».
On n'arrivait pas à manger, on vomissait, elle nous faisait remanger notre vomi. C'est trop dur à dire, on a l'impression de se salir soi-même en le disant. Ça duré jusqu'à la libération. (Hélène)
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Lorsque notre « nourrice » organisait des repas, il y avait deux services. Un pour les enfants dont les parents payaient et puis un pour nous, les enfants juifs, qui mangions des repas tout-à-fait différents... On a vraiment souffert de la faim, au point qu'on en était réduits à commettre des larcins. La nuit, on se levait, on allait voler des morceaux de sucre, du pain, des tickets de pain, de l'argent pour pouvoir en acheter le lendemain quand on allait à l'école. Un mouvement de solidarité s'est créé autour de nous... Il y avait en particulier une famille de polonais, mais de non juifs, qui nous ont pris en affection et qui s'arrangeaient plus ou moins pour nous laisser passer des sandwichs en cachette ; il ne fallait pas que ça se sache parce qu'on aurait été massacrés... (Samuel)
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J'ai été violée peu de temps après mon arrivée par le frère de la personne qui nous gardait ; il s'appelait Pierre, c'était un célibataire qui travaillait à l'usine de chaussures dans une petite ville située à quelques kilomètres du village où nous nous trouvions. Il était aussi fossoyeur lorsque le besoin se présentait.
Il a fallu cacher ce viol et transformer la réalité : « Tu es tombée les jambes écartées alors que tu jouais à chat avec Pierre, il t'a poussée dans le dos ». Les seuls souvenirs que j'avais de l’événement étaient « l'accident » et « le sang » ou plutôt le sang et la répétition des faits tels que la mère Lulu voulait qu'ils soient nommés. Je ne me vois pas physiquement « saignant » ou perdant du sang, je me revois juste sur une table, je suis blessée entre les jambes et une femme est penchée sur moi et me soigne. Plus loin, dans un coin de la pièce, il y a un homme là, debout, qui regarde la scène. Je suis gênée, embarrassée par la présence de cet homme qui assiste à la scène alors que je suis dans cette position. C'est l'homme qui me dérange... (Solange)
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Il rentre dans la cour comme une ombre, les yeux luisants comme des braises : une lampe qui marche, une torche en mouvement. Il vacille, jure, hurle. Il se blesse, crie de plus belle. Les chiens font écho à ses aboiements. Il brandit une fourche. De mon grenier, je l'observe. Je suis ses mouvements. Il a des cornes. Ses yeux lancent des étincelles.
Il me cherche. Il m'injurie, me traite de tous les noms. « Où es-tu, sale petit juif ? Je sais où tu te planques ! ». Il se heurte aux meubles.
« Attends... Tu vas voir ! ». Il ricane, il rit, il crache. « Tu pues, Youpin ! ».
Je suis paralysé. Je suis de marbre. Je suis glacé. Je suis mouillé. J'ai fait pipi dans mes culottes. Je suis dans mon grenier, assis dans la flaque de mon pipi. Je suis une statue de pierre. Je préfère les souris de mon grenier au patron du jeudi. J'ai peur. Je pleure. Je fourre mes mains entre mes jambes, ma tête entre mes genoux. L'obscurité me cache. Il est encore dans la cour. J'entends ses coups de poing contre la porte d'entrée. A l'intérieur, sa femme et sa fille font semblant de dormir. Moi aussi. Comme les poules, les vaches, les cochons, tous les animaux. Excepté les chiens. Les chiens hurlent et déchirent le silence, un silence de cimetière chrétien... (Maurice Roth « L'enfant coq » - Éditions le Capucin, 2001)
Le paysan qui gardait Maurice était ivre mort à chaque retour du marché. Tout le monde en prenait pour son grade. Mais pour son courage et celui de sa famille, Maurice Roth lui a fait attribuer la médaille des justes.
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Lettre de Liliane Gerenstein, onze ans, née à Nice, écrite à Dieu, quelques jours avant son arrestation à Izieu. Ses parents étaient déjà déportés.
« Dieu ? Que vous êtes bon, que vous êtes gentil et s'il fallait compter le nombre de bontés et de gentillesses que vous nous avez faites il ne finirait jamais... Dieu ? C'est vous qui commandez. C'est vous qui êtes la justice, c'est vous qui récompensez les bons et punissez les méchants. Dieu ? Après cela je pourrai dire que je ne vous oublierai jamais. Je penserai toujours à vous, même aux derniers moments de ma vie. Vous pouvez être sûr et certain. Vous êtes pour moi quelque chose que je ne peux pas dire, tellement que vous êtes bon. Vous pouvez me croire. Dieu ? C'est grâce à vous que j'ai eu une belle vie avant, que j'ai été gâtée, que j'ai eu de belles choses, que les autres n'ont pas. Dieu ? Après cela, je vous demande qu'une seule chose : FAITES REVENIR MES PARENTS, MES PAUVRES PARENTS, PROTEGEZ-LES (encore plus que moi-même) QUE JE LES REVOIE LE PLUS TÔT POSSIBLE, FAITES-LES REVENIR ENCORE UNE FOIS. Ah ! Je pouvais dire que j'avais une si bonne maman et un si bon papa ! J'ai tellement confiance en vous que je vous dis un merci à l'avance. ». (Liliane - « Mémorial de la déportation des enfants juifs en France » - Serge Klarsfeld, Librairie Arthème Fayard, 2001)
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De temps en temps, comme ça, à cinq heures du matin, elle entrait dans les chambres en tapant dans les mains : « Allez, les enfants ! On part dans la montagne voir le soleil se lever ! » Alors tout le monde se levait, très, très vite. On s'habillait à la hâte. Les plus grands prenaient les petits, et on partait d'un bon pas, à cinq heures et demie le matin, très haut dans la montagne. Nous on comprenait pas. Mais après on a compris : c'est parce que ce jour-là, la milice devait venir dans le village, et que les résistants avaient prévenu la directrice d'éloigner les enfants. Comme ça, c'est arrivé quelques fois, on allait voir le soleil se lever dans la montagne. (Suzanne)
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Le 18 décembre 1942, je suis baptisée catholique en l'église Saint-Sauveur à Figeac. C'est moi-même qui signe au bas du certificat de baptême. Marguerite – c'est un prénom nouveau puisque je m'appelle Margot. Ma mère est présente. Je n'aime pas qu'elle soit là. Je retourne à l'école Jeanne d'Arc et les religieuses, en me regardant, disent : « C'est un Ange ». Je ne suis pas contente car je ne sentais pas les ailes d'ange dans mon dos. J'ai presque sept ans et demi. Quelques jours plus tard, il faut changer d'école, pour des raisons de mort, d'arrachement, de déportation, c'est ce que me dit ma mère et je dois changer de nom de famille : ce n'est plus Cerf, mais Cordier ; je ne crois pas un mot de ce que me dit ma mère. Je la crois incapable de me protéger, elle a peur, elle m'abandonne, elle ne me veut plus. Pire encore, elle insiste pour que jamais je ne parle de « ça » sinon « on » va la prendre, la faire mourir, mon père aussi, mon frère avec - « ça » je crois : elle fait tout ça contre moi parce qu'elle a peur pour elle. Je dois donc me taire. Je sais que c'est la guerre, que les méchants allemands prennent les juifs, les piquent, les brûlent. Mais moi je ne suis plus juive, je ne suis pas juive. Je suis catholique, je suis baptisée. Je n'ai rien à voir avec « eux » qui, comme je l'apprends, ont crucifié le bon petit Jésus. A cause de ça, j'éprouve un sentiment de haine contre cette famille que je n'aime plus, et même, je suis prête à les dénoncer aux allemands, à ceux qui font de l'ordre. Ils sont juifs ! Pas moi...
J'ai écrit plusieurs fois à ma mère... elle ne me répond pas – c'est vraiment une sale femme qui m'a abandonnée. Pourtant, je m'applique en écrivant. Le porte-plume s'incruste entre le majeur, et la plume est dure, dure. L'encre violette a une odeur que je n'aime pas. C'est dur d'écrire, de faire des dessins, de vouloir plaire et de ne jamais recevoir de lettres en retour. Elle ne m'aime pas, voilà tout. Moi non plus, je ne l'aime plus. Petit Jésus, qu'est-ce qu'elle fait ma maman ? et ma grand-mère ? et mon frère ? et mon papa ?
Je devais attendre cinquante-six ans pour apprendre que mes lettres ne lui étaient jamais parvenues...
Tous nos courriers d'enfants cachés étaient lus et relus par Mme. B. Nos maladresses d'enfant, un mot de trop, une allusion à un nom de famille ou à un ravitaillement auraient pu nous faire prendre s'ils étaient tombés dans les mains des « méchants » ! Lorsque ces lettres jamais envoyées et si bien cachées m'ont été restituées, le 16 juillet 2001, j'ai ressenti un tremblement de tout mon corps ; ces lettres dont j'espérais tant une réponse, ne pouvaient en avoir. (Margot)
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Monsieur C. était garagiste, sa femme ancienne cuisinière. Ils nous ont immédiatement adoptées comme leurs propres enfants et nous présentaient toujours comme leurs nièces. C'étaient des gens simples, bons et chaleureux. (Dina)
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C'est la plus belle histoire d'amour de ma vie. Je suis tombée chez des gens très âgés, M. et Mme Beyrand. Je leur dois d'être là encore aujourd'hui. Ces gens-là ne se sont pas contentés de nous abriter, ce qui aurait été déjà beaucoup. En plus, ils nous ont aimées, aimées beaucoup, au point de nous donner leur nom. Ma sœur s'appelait Jacqueline Beyrand. Et je m'appelais Colette Beyrand. La seule certitude que j'ai, c'est que c'étaient des gens d'amour, de qualité et vraiment des gens extraordinaires. Et vraiment pour moi, c'est ma famille, ce sont mes grands-parents. Leur photo est à portée de ma vue tous les jours. Je leur dois vraiment une immense reconnaissance. (Colette)
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Nous réalisions qu'une indifférence totale des gens du quartier s'était installée à notre égard. Ils nous avaient vu naître, grandir, peu de personnes nous ont tendu la main dans cette période difficile. (Gaston)
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J'ai appris plus tard que cette dame, cette famille qui m'a accueillie, j'allais dire adoptée, c'était une famille qui n'avait pas d'enfants, la dame ne pouvait pas en avoir. Lorsqu'il a été question que je reparte au bout de quelques jours puisque c'était provisoire, elle a dit à sa sœur : « Non, je ne veux pas la laisser partir, nous la gardons ». Et la sœur, l'assistante sociale lui a dit : « Mais vous savez ce que vous risquez en cachant une juive à la maison ». Et la dame aurait répondu : « Je préfère mourir en ayant connu la joie d'avoir un enfant que de vivre sans ». Donc, ils ont pris tous les risques et c'est ainsi que je suis restée dans cette famille. Il y avait beaucoup de tendresse. J'ai le souvenir d'une punition où on m'avait envoyée au lit et où on m'a réveillée avec des bisous. Lorsque ma mère venait me voir, je lui disais : « Bonjour, madame ». Ça lui a été très difficile. Quand elle repartait, elle pleurait beaucoup. (Liliane).
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On connaissait nos prénoms, on savait que nous étions des enfants cachés et qui nous cachait, on savait bien sûr aussi que cela était strictement interdit. Et jamais aucun de ces paysans ne nous trahit, jamais, au risque de leur propre vie et de celle de leur famille, aucun ne transgressa la loi d'airain de l'hospitalité des humbles, la grandeur des montagnards, la fierté silencieuse des petits. Tout pauvres qu'ils fussent, sans moyens, sans confort, menant une vie rude et austère, une existence âpre et difficile, ils furent tous, en cela, des seigneurs. Ils avaient l'instinct immémorial de ce que l'on doit faire et de ce que l'on ne doit pas faire. (Olga Tarcali - « Retour à Erfurt » - L'Harmattan, 2001)
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Lettre pastorale écrite par Mgr. Saliège, évêque du diocèse de Toulouse (lue en chaire dans les églises – 22 août 1942).
EGLISE, où est ton DEVOIR ?
Il y a une morale chrétienne. Il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ses droits tiennent à la nature de l'homme. Ils viennent de Dieu. On ne peut pas les violer. Il n'est au pouvoir d'aucun mortel de ses supprimer.
Que des enfants, des hommes, des femmes, des pères, des mères, soient traités comme un vil troupeau, que les membres d'une même famille soient séparés les uns des autres, et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.
Seigneur, ayez pitié de nous. Notre Dame, priez pour la France. Dans notre diocèse, des scènes d'épouvante ont lieu dans les camps de Noé, et de Récébédou. Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes.
Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n'est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille.
Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d'autres.
Un chrétien ne peut l'oublier.
France, patrie bien aimée, France qui portes dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France, chevaleresque et généreuse, je n'en doute pas, tu n'es pas responsable de ces horreurs. (Mgr. Saliège)
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Les souvenirs de la petite enfance ont le goût persistant d'une première fois.
C'était un jour de printemps, en 1944. Des soldats en uniforme vert-Wehrmacht passaient devant nos fenêtres en chantant des musiques martiales. Nous habitions alors au rez-de-chaussée d'un immeuble, au coin de la villa Suzanne à Saint Mandé, pas très loin du Fort de Vincennes. Les bruits cadencés des bottes sur le bitume et les chansons rythmées retentissent encore dans ma mémoire. Les images resurgissent. Je soulève un pan du rideau, fascinée par cette présence à la fois hostile et familière. Mon regard croise celui d'un jeune soldat, puis d'un autre et d'un autre encore. L'un d'eux me fait un signe amical accompagné d'un sourire – il pense peut-être à sa petite sœur ou à son enfant resté en Allemagne. Je réponds en agitant la main et lui envoie un baiser du bout des doigts. Brusquement, mon frère aîné me saisit par le bras m'attirant loin de la fenêtre. Sa réprimande est cinglante : elle fustige ce signe de fraternisation avec les nazis. Ma mère s'approche alors en demandant à Jean de me laisser faire. Une famille juive vivait avec nous, deux enfants et leurs parents : « Il faut apprendre à faire bonne figure pour ne pas attirer l'attention. Notre vie à tous en dépend. Et, peut-être, maintenant, ce soldat n'osera-t-il plus tirer avec un fusil sur des enfants. ». Quatre personnes étaient cachées à la maison. Des inconnus les avaient conduites en pleine nuit. Elles resteront plusieurs mois avec nous. Mon père était au loin, dans je ne sais quelles activités de résistance, mes oncles étaient dans les maquis du Limousin ou internés en Allemagne, mon parrain était déporté à Buchenwald pour avoir organisé des évasions de camps de prisonniers. Il arrivera à s'échapper de Buchenwald et continuera la résistance à Berlin jusqu'à l'arrivée des troupes alliées... Tout cela, nous ne le saurons que plusieurs mois plus tard.
Cette période m'a laissé la sensation prosaïque de la faim : nous partagions quelques gâteaux secs, les lentilles et les rutabagas avec mon frère et les deux enfants -sept personnes vivaient sur les tickets de rationnement prévus pour trois dans le Paris de 1944. Cette période m'a laissé aussi un sentiment diffus de peur : nous répétions chaque jour certains gestes au moindre bruit venu de l'extérieur. Tout était réglé pour disparaître rapidement dans une pièce sans fenêtre dont la porte était dissimulée derrière l'armoire, mon frère me racontera, quelques années plus tard, qu'une carte de France y était accrochée au mur, avec des punaises pour marquer l'avancée des troupes alliées, comme dans une salle d'état-major. Une ultime cachette était prévue sous l'escalier de la cour, dans une sorte d'appentis accessible par une ouverture étroite. Maman y avait installé des couvertures, de l'eau et des provisions au cas où il aurait fallu attendre un certain temps. Nous nous sommes réfugiées plusieurs fois dans ce coin sombre, dont l'atmosphère était étouffante. Nous répétions à voix basse les paroles à prononcer, les réponses aux questions qui auraient pu nous être posées par la police française ou la Gestapo. J'avais quatre ans et demi, mon frère Jean bientôt dix ; les deux autres enfants avaient environ huit et onze ans. Maman craignait une dénonciation ou une descente inopinée de la police, mais il n'y eut aucune délation des voisins ni du concierge, même si ceux-ci avaient manifestement été alertés par les voix et les jeux à étouffer. La famille que ma mère hébergeait a partagé notre vie et nous avons partagé ses angoisses. Elle est partie pour rejoindre les États-Unis, peu avant la libération avec des papiers d'identité obtenus par les résistants. Nous n'avons plus jamais eu de nouvelles. A plusieurs reprises, maman en a parlé, elle aurait aimé savoir ce que signifiait ce silence. Elle n'osait penser au pire, à la disparition de ceux qui étaient devenus des amis ; elle ne voulait pas croire non plus à leur oubli. Peut-être cela se passerait-il comme pour ce jeune homme que des amis avaient caché pendant la guerre et qu'ils croisèrent, un jour par hasard, vingt ans après ? « On ne fait pas les choses pour la gloire ni pour un remerciement, mais parce qu'on doit les faire, c'est tout. Dans la vie, il ne faut pas avoir trop d'illusions sur l'humanité, mais il faut toujours faire comme si les hommes étaient capables du meilleur ». Ma mère nous a transmis en héritage le goût de la liberté partagée et le sens de la fraternité. (Jacqueline)
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Lettre aux étoiles.
Chère maman Rousseau,
Cela sonne tout drôle, généralement le mot maman se suffit à lui-même, il est bien rare qu'il soit suivi d'un nom de famille. C'est pourtant comme cela que maman et moi nous parlions de toi après la guerre car, à une période où beaucoup d'enfants autour de moi n'avaient pas de maman, j'avais, moi, la chance d'en avoir deux. Cette chance, j'en ai pris conscience très tardivement, et c'est bien là le miracle, ton miracle.
Le hasard m'a conduite à Condé-sur-Huisne, dans ta famille, fin 1941, ou début 1942, petite fille de quatre-cinq ans et, des deux années ou plus que j'ai passées là, jusqu'à l'été 1944, je n'ai que de bons souvenirs, et j'en ai beaucoup. J'ai vraiment l'impression d'avoir vécu dans ma famille, d'avoir été aimée, et parfois réprimandée, comme on l'est dans sa propre famille. A un moment où tous les juifs vivaient, au mieux, dans l'angoisse, la peur du lendemain, j'ai été entourée d'affection tant par toi que par tes quatre filles : Yvonne qui voulait m'adopter, Raymonde auprès de qui maman a parfois trouvé refuge et les jumelles, Odette et Georgette, que je considérais comme mes grandes sœurs.
Je suis admirative quand je repense à l'énergie dont tu as dû faire preuve jour après jour pour assumer, pendant ces années de guerre, la responsabilité d'une maisonnée de huit à dix personnes : l'eau à aller chercher au puits dans la cour, à remonter à l'étage, à faire chauffer pour la vaisselle, le bain hebdomadaire dans le grand baquet, les énormes cabas que tu trimbalais quand, une fois par semaine, tu rentrais en autocar du marché de Nogent-le-Rotrou ; le potager pour compléter ce que ton mari, Georges, rapportait des fermes où il faisait des travaux de charpentier-couvreur ; le ménage, la cuisine... Tu n'avais jamais une minute à toi, même pour manger tu t'asseyais rarement : dans mes souvenirs, je te revois debout, près de la table, ton assiette à la main.
Je ne sais pas si tu avais l'impression de faire quelque chose de particulier en abritant chez toi, parmi d'autres enfants (Guiton, Paulo), une petite fille juive, ou bien si simplement, naturellement, tu pensais continuer ton métier de toujours, ton métier de nourrice, dans des conditions seulement plus difficiles mais, en aucun cas, tu ne pouvais ignorer le danger que tu encourrais en recevant chez toi ma mère, venue se remettre d'une opération chirurgicale, elle dont la présence et l'accent ne passaient certainement pas inaperçus dans un petit village où tout le monde se connaissait.
Après la libération, je suis retournée vivre à Paris avec ma mère, mon père, lui, n'est pas rentré.
Pendant plusieurs années je suis revenue chez toi pour les vacances comme on va dans sa famille à la campagne, puis en grandissant on se lasse des vacances familiales, je suis venue moins souvent. La dernière fois que je t'ai revue c'était peu après ton opération, puis tu as disparu, emportée autant par l'épuisement que par le cancer.
Pendant très longtemps j'ai pensé à toi avec une profonde affection m ais sans plus. Ta conduite, comme cette période de ma vie, tout cela me semblait naturel, je pensais avoir eu une enfance comme tout le monde, j'avais passé quelques années à la campagne. Jamais je ne me suis sentie une enfant cachée, je n'ai eu peur que lors des bombardements américains (les bombes tombaient très près), j'ignorais que j'étais juive, je ne sais toujours pas si je portais un autre nom que le mien. C'est seulement depuis une dizaine d'années que j'ai senti que j'avais eu bien de la chance de te rencontrer. Permettre à une petite fille juive de traverser cette période dramatique avec une parfaite insouciance enfantine, c'est le miracle que tu as réalisé grâce à ton courage et à ton grand cœur qui faisaient de toi ce qu'on appelle en yiddish, « a mentch », un être humain au sens le plus noble du terme.
Tu es morte trop tôt pour que je puisse te dire tout cela. Sois-en cependant remerciée aujourd'hui.
Ta toujours petite Monique. (Monique)
(A suivre...)